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Le Guerrier Silencieux (Valhalla Rising) de Nicolas Winding Refn (Danemark-UK/2009/90”/RED/35mm/2:35/Couleur/Dolby Digital/Anglais/VOstFr/BBC Films-Wild Side-Le Pacte).

Mai 19, 2010

Après Legion à l’Absurde Séance, voici une nouvelle légende cinématographique testostéronée et virile, avec des « gros bonhommes musclés » et plein d’action brutale et violente (chacun à leur manière quand même), cette fois-ci au pays des vikings à une époque une peu sombre.
Valhalla Rising, comme son nom l’indique, réalisé par le danois Nicolas Winding Refn.

L’affiche et le trailer m’avaient interpelé et Frédéric Ambroisine m’avait en plus conseillé plein d’enthousiasme de ne pas le manquer. Avant de partir à Hong Kong, je trouve un moment pour aller le voir, car ça m’a l’air d’être le genre de film qui reste pas longtemps à l’affiche en France (mauvaise langue que je suis, il joue encore dans 2 salles parisiennes plus d’un mois après sa sortie). Et je dois dire que je suis étonné par cet ovni mystique, violent et assez hermétique. Nicolas Winding Refn ne laisse pas de marbre et nous surprend encore une fois. Après la sèche et efficace trilogie Pusher (que j’ai récemment acheté en DVD, une chronique à suivre…), après Bronson, voici venir Le Guerrier Silencieux, génialement incarné par un Mads Mikkelsen plus vrai que nature, mais surtout terriblement flippant et cinégénique (fini le crâne rasé de Pusher, le voici borgne et cheveux longs en chignon). Le réalisateur fait cette fois-ci un petit tour en pays viking (et au-delà) pour une nouvelle fable mystique et halluciné sur la violence, un des gros moteurs qui meut les personnages de ses films (et une des thématiques récurrentes dans l’œuvre du cinéaste nihiliste).

Résumé :
Pendant des années, One-Eye (Mads Mikkelsen), un guerrier muet et sauvage, a été le prisonnier de Barde, un redoutable chef de clan. Grâce à l’aide d’un enfant, Are (Maarten Stevenson), il parvient à tuer son geôlier et ensemble ils s’échappent, s’embarquant pour un voyage au coeur des ténèbres. Au cours de leur fuite, ils montent à bord d’un bateau viking, mais le navire, pendant la traversée, se retrouve perdu dans un brouillard sans fin, qui ne va se dissiper que pour révéler une terre inconnue. Alors que ce nouveau territoire dévoile ses secrets, les Vikings affrontent un ennemi invisible et terrifiant, et One-Eye va découvrir ses véritables origines…
(source : allociné)
Notons que la narration est fragmentée en 5 ou 6 parties, où chaque volet montre une certaine évolution dans l’esprit et l’expérience du Borgne (ou dans le délire du cinéaste).

Nan c’est sûr qu’on rigole pas trop dans les films de Winding Refn, mais par contre ça aime bien se la mettre de manière virile, les hommes dans ses films se frappent et se cognent comme des sourds, j’ai rarement vu autant d’énergie destructrice éclater ainsi à l’écran. Fight Club, à côté des quelques combats du Guerrier Silencieux, fait tout de suite bien propret, les vikings tatoués et taciturnes ont remplacé les hommes modernes stressés par la société de consommation, pour des joutes boueuses et sans concession (je pense à Ong Bak 2 pour ce délire combat à mort dans des paysages magnifiques et paumés, la chorégraphie martiale en plus, même si évidemment Le Guerrier Silencieux fait preuve d’une lisibilité et d’une certaine recherche dans les combats et la mise en scène et en cadre de ceux-ci). Cette image de guerrier enchainé comme un chien à un poteau et se foutant violemment sur la gueule contre 2 ou 3 adversaires qui prennent trop cher, en glissant dans la boue qui macule entièrement les corps (« tu aimes les films avec des gladiateurs ? »), perdu au beau milieu des montagnes écossaises (le tournage s’est déroulé là-bas), est une vision légendaire et presque mythologique (car enfermée dans un univers clôt et hermétique) du guerrier occidental pré-moyenâgeux. Et c’est vrai qu’on se demande ce qu’ils foutent là, à organiser des matchs de boxe itinérants avec des esclaves entretenus comme des sportifs de free-fight. Après, c’est une image hallucinée et fantasmée de la région au début de l’ère chrétienne, et c’est pas très joyeux.
J’ai pas trop fait la différence entre les barbares nomades du début et les croisés un peu allumés rencontrés plus tard qui partent à Jérusalem (notons leur fort accent de nordique lorsqu’ils parlent). Quand on se dit que c’est ce genre de loustics qui ont répandu la foi chrétienne, on comprend les limites de la religion en Occident. Mais bon, ce n’est pas le propos du cinéaste (d’ailleurs ils se font très vite décimer un par un), mais plutôt de confronter ces barbares et leurs croyances (finalement très primaires) avec ce guerrier muet et borgne (magnifique prestation de Mads Mikkelsen), véritable archétype du berserk, puis avec l’inconnu et les terreurs qu’il recèle (le brouillard en mer, puis la terre inconnue sur laquelle ils débarquent, je dirai l’Amérique du Nord). Partis pour diffuser la parole sainte et bouter du muslim (…) en terre du Christ (Jérusalem), les voilà paumés au beau milieu du Nouveau Continent à se faire tirer des flèches dessus par des indiens invisibles, après une longue errance en plein mer brumeuse (la navigation à cette époque…).
Bon j’avoue n’avoir plus tout capté à partir de ce moment, on ne voit les indiens que furtivement, ou alors dans la scène finale totalement surréaliste (drôle de manière d’atteindre la rédemption), où Le Borgne se sacrifie en laissant son crâne en pâture à leurs gourdins. J’ai pas compris comment il pouvait sauver le gamin de cette manière, mais ça doit être un truc implicite de guerriers qui se comprennent sans se parler (juste en se fracassant la tronche). Disons que le contenu thématique très ciblé ne parlera pas à tous, en cette époque où les canons de la virilité ne sont plus les mêmes.

Alors par contre, le truc qui m’a vraiment interpellé (choqué ?) durant le film, et ce, de manière assez brutale, c’est la lumière et son traitement, et cet effet vidéo particulièrement tenace et persistant. Je ne sais pas ce qu’a pris le chef-op (Morten Søborg) comme produit hallucinogène, mais sa came a l’air super bonne, à en juger par tout ce que j’ai pris dans mes yeux rouges et mouillés pendant le film.
En faisant quelques recherches, on apprend que le film a été tourné en RED (ça marche bien en ce moment, mais des fois, rien ne vaut la bonne vieille pellicule), et là je comprends beaucoup mieux cet aspect vidéo qui faisait battre mes paupières depuis le départ. Le truc que j’ai vraiment pas kiffé, c’est l’effet de moiré assez bizarre, comme une aura ou un liseré violet/bleu autour des personnages et de leurs silhouettes, quand ils sont à contre-jour et se détachent du ciel (pas vraiment surexposé, mais maculé et extrêmement lumineux), l’œil reçoit beaucoup de lumière blanche et violente et les formes ne se détachent pas clairement du fond, souvent un ciel dense et nuageux (le ciel est cependant magnifiquement filmé avec ces densités de nuages), ou alors de la brume. L’utilisation de cette dernière est intéressante, et donne une ambiance pesante à cet univers déjà bien lourd (comme les patates qu’ils s’envoient), et Morten Søborg en use et abuse (la brume occupe presque plus de 80% de l’image du film, mais est nettement plus efficace que celle électrique de Tommy et Bertrand*), mais c’est assez joli, et le hors-champ généré est fertile à nos imaginaires galopants de spectateurs dopés aux bastons violentes et aux ambiances mystiques. Mentionnons aussi des plans totalement hallucinés qui rajoutent à cet univers visuel délirant et torturé, les quelques plans moyens ou rapprochés avec une couleur rouge sur notre héros muet ou le guerrier qui se perd en terre inconnue et devient une sorte d’indien illuminé (trop bizarre aussi cette histoire), image complètement fantasmatique et surprenante car propice aux interprétations et vraiment osée (tape à l’œil ?) au niveau formel. Après je respecte les choix du directeur de la photographie, et les trouve même appropriés à la narration (c’est très intéressant ce qu’on peut faire avec une RED), mais vraiment, j’avoue que certains de ses partis pris m’ont fait un peu mal aux yeux (et puis cet étalonnage très froid, dans les bleus, gris et verts, avec quelques violentes touches de jaune/ocre et de rouge/terre). Ça pique un peu la rétine, mais ça met d’emblée dans une ambiance lourde et oppressante, et en même temps quasi onirique. Et cette atmosphère épaisse et pesante est fortement accentuée par la musique de Peter Kyed et Peter Peter (grosses basses de ouf qui montent dans les graves et nous font vibrer les organes), qui ajoute à ce caractère inquiétant et mystérieux.

Bon au final, il avait pas grand-chose à dire ce Guerrier Silencieux, mais ces poings parlaient pour lui (*). Mais malgré tout, j’ai vraiment kiffé ce bel objet de contemplation.
Ce n’est pas le genre de film qui fera l’unanimité dans nos salles françaises, mais malgré la difficulté de son accessibilité (hermétisme ?), il est vraiment très intéressant et vaut le détour, pour sa photo, son acteur principal, sa brume et ses beaux décors, son ambiance nordique.
Et j’ai envie de rapprocher ce film d’Amer (vu à l’Absurde Séance), dans le sens que ce sont tous deux des films de genre (giallo et viking ?), mais qui propose bien plus que les simples codes ou motifs inhérents à tel ou tel genre, en particulier au niveau des sensations visuelles et sonores, et sont de véritables expériences cinématographiques dans lesquelles on s’immerge totalement.
Allez donc voir Le Guerrier Silencieux pour vous plonger dans un univers barbare, mystique, oppressant, légendaire. Et si vous êtes chaud pourquoi pas d’autres films de Nicolas Winding Refn…

http://www.leguerriersilencieux.com/
http://www.imdb.com/title/tt0862467/
http://www.critikat.com/Le-Guerrier-silencieux.html
http://www.devildead.com/indexfilm.php3?FilmID=2061
http://www.nord-cinema.com/fiches/noscritiques3587.html
http://www.excessif.com/cinema/critique-valhalla-rising-4917966-760.html
http://rogue-site.over-blog.com/article-le-must-see-valhalla-rising-43120687-comments.html (*j’aime beaucoup cet article, il contient en plus des citations du réalisateur vraiment intéressantes)
http://www.filmosphere.com/2010/02/critique-le-guerrier-silencieux-valhalla-rising-2009/
http://www.anglesdevue.com/2010/03/16/le-guerrier-silencieux-valhalla-rising-de-nicolas-winding-refn/
http://www.toujoursraison.com/2010/03/le-guerrier-silencieux-valhalla-rising.html
http://irreductibles.blogspot.com/2010/03/le-guerrier-silencieux-de-nicolas.html
http://www.lesinrocks.com/cine/cinema-article/t/43156/article/le-guerrier-silencieux-valhalla-rising/
http://www.lesyeuxsurlecran.over-blog.com/article-critique-valhalla-rising-le-guerrier-silencieux-44235437.html
http://www.surlarouteducinema.com/archive/2010/03/25/le-guerrier-silencieux-valhalla-rising-de-nicolas-winding-re.html
http://unesemaine-unchapitre.com/index.php?post/Le-Guerrier-silencieux-Valhalla-Rising-m%C3%A9taphysique-au-pays-Viking
http://www.lemonde.fr/cinema/article/2010/03/09/le-guerrier-silencieux-la-brumeuse-saga-d-un-superman-borgne_1316620_3476.html

Eddie, le 19 mai 2010.
(film vu le 14 mars 2010….)

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