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Cycle Dario Argento chez Matthilde (+ Film Bonus)

mars 2, 2011

Ayant fait une razzia au rayon DVD de Wildside pendant les fêtes avec leur offre d’1 DVD gratuit pour 2 achetés, j’ai étoffé ma collection de quelques classiques japonais et américains, mais surtout de 4 œuvres de Dario Argento (dont 6 de ses films ont été restaurés et réédités en DVD et Blu-Ray chez Wildside), Les Frissons de l’Angoisse, Suspiria, Inferno et Ténèbres.
Jusque là, j’avoue honteusement n’avoir seulement vu qu’un de ses films récents, Le Sang des Innocents (2001), et je suis bien content de pouvoir découvrir un univers cinématographique dont j’ai beaucoup entendu parler mais que je ne connaissais pas encore.

Matthilde est motivée pour regarder ça entre deux PCJ, et on commence fort avec Ténèbres.
Mais avant de continuer, on ne présentera plus le réalisateur italien, maître du cinéma d’horreur et fantastique des années 70/80, dont l’oeuvre est intimement liée au giallo (policier ou fantastique), et à l’angoisse, la terreur, la peur la plus horrible, soutenue par une technique et une esthétique manièrée et très expressive, reconnaissable entre mille.
Dario Argento est incontournable pour tout cinéphile digne de ce nom, et ses films devraient être étudiés en cours de cinéma. Tout de suite, Amer va beaucoup plus me parler.

Ténèbres (Italie/1982/96’/DVD/1:85/Couleur/Mono/Italien/VostFr/Sygma Cinematografica/Int.-16 ans).

Décidément, je prends à l’envers l’œuvre du cinéaste italien, en commençant par ses films les plus récents (Le Sang des Innocents puis celui-ci) pour arriver doucement aux plus vieux.
Ténèbres flaire bon les années 80 (début), et je dois dire que sa violence froide et hyper gore dans ces décors modernes et aseptisés m’a un peu étonné, alors que je m’attendais à un truc baroque aux couleurs criardes et kitsch, ici on est plutôt dans les gris et blancs (cette clarté est très paradoxale avec ce titre), du béton et des structures et matériaux modernes, lisses et épurés (aéroport, centres commerciaux, immeubles et appartements modernes, pavillons en rangée, grillages, palissades et baies vitrées).

Résumé:
Peter Neale (Anthony Franciosa), un écrivain américain, débarque à Rome pour la promotion de son dernier livre « Tenebrae ». Mais pendant ce temps, une jeune femme est assassinée et le meurtrier lui a rempli la bouches avec des pages du livre, et l’a tuée de la même manière que dans le roman. L’inspecteur Germani (Giuliano Gemma) enquête sur lui alors que le tueur le menace, et il devra compter sur l’aide de son agent Bullmer (John Saxon) et de son assistante (Daria Nicolodi) pour démasquer le meurtrier avant qu’il ne soit trop tard. A moins que Peter Neale ne soit plus impliqué qu’il n’en ai l’air…

Effectivement, voilà un film violent et sanglant, du bon giallo un peu gore, mais surtout sec et très efficace (dans le même genre outrancier et sans fioritures, je pense à La Baie Sanglante de Mario Bava), comme un coup de hache dans la clavicule (manière de tuer raffinée que semble apprécier Argento).
Le cinéaste va d’abord nous mettre en jambe avec une fausse piste qui va attirer notre attention inutilement (juste pour nous faire mijoter dès les premières images de son film qui commence aussi dans un aéroport comme on va le voir dans Suspiria). Un coup de fil pour Neale qui pose sa valise, une femme mystérieuse à côté, personne ne lui répond au téléphone et quand il lève la tête, la valise a disparu, et on a le temps de voir une deuxième femme mystérieuse (et surtout très jolie: Veronica Lario), avant que l’écrivain ne récupère sa valise sans qu’on comprendre pourquoi ni comment. Elle est simplement revenue où elle était, et c’était juste pour déchirer ses vêtements dedans et détruire ses affaires (vengeance de femme). Pression et menaces sont de mises dès le début, mais on n’aura pas à attendre trop longtemps pour que s’enchainent sans répit les meurtres violents, d’abord au rasoir (classique du giallo), simple, efficace, presque académique, mais tout cela avec un grand sens de l’esthétique, même le tueur fait preuve de créativité tout en s’adaptant aux diverses situations (fourrage de bouche pendant égorgement avec les pages du livre qui retranscrit parfaitement ses agissements et sa folie, lacération du visage à travers un tee-shirt que la victime enfile sans rien voir jusqu’à ce que son visage ensanglanté apparaîsse par la fente dans le tissu, et plus barbare la jolie lesbienne pulpeuse encore mouillée de la douche et violemment poussé dans les escaliers). Celui-ci prend d’ailleurs des photos des ses « oeuvres », ce qui lui ajoute une dimension d’esthète morbide et macabre,tout comme à l’oeuvre d’Argento (on dira de ce film que c’est le plus dur dans la violence et le plus radical de sa filmographie).

Mais l’horreur ne vient pas que du meurtrier, comme sait si bien la distiller le cinéaste. L’horreur la plus primaire est présente à chaque coin de ces rues géométriquement alignées: le clochard derrière la palissade qui attrape la jolie première victime en voulant lui soutirer un baiser, puis qui la poursuit dans la rue pendant qu’elle galère à ouvrir sa porte (suspense assez intense qui nous fait presque oublier le meurtrier qui justement ne tarde pas à arriver), mais aussi et surtout ce chien enragé et sans surveillance qui aboie sauvagement derrière des grillages, puis les escalade sans problèmes après avoir bondi à une hauteur relativement impressionnante, pour prendre en chasse la jeune adolescente qui vient de s’embrouiller avec son petit ami en scooter et rentre seule à une heure tardive (très mauvaise idée dans un film d’Argento). Cette séquence de la poursuite contre le chien est vraiment horrifique, la peur vient d’un élément incontrôlable et arbitraire et non d’un homme.
Mais le pire (et c’est vraiment ça la pire chose qui pouvait lui arriver), c’est qu’après avoir réussi à échapper aux morsures meurtrières de ce chien infernal (Argento l’utilise véritablement comme le Cerbère, symbole des Enfers), la voilà qui se retrouve en plein dans l’antre du tueur, le pire endroit où elle pouvait se retrouver. Elle comprend vite où elle est en regardant les photos des meurtres et les coupures de presse, pendant qu’elle tente de reprendre son souffle qui ne pourra plus s’arrêter.
Voilà tout le génie du cinéaste: nous emmener par la terreur à une peur encore plus profonde et diabolique. Il sera évidemment trop tard quand elle reprendra ses esprits et décidera d’appeler la police (alors que le chien l’attend toujours dehors. On ne l’entendra plus à l’arrivée du meurtrier qui a du s’occuper de lui comme il faut). Triste fin à violents coups de hache dans le jardin (le lendemain, un petit passage de tondeuse sur le gazon effacera toutes les traces).

Mais à partir de ce moment où l’on connaît la cachette du meurtrier, et que les soupçons convergent vers un journaliste très bizarre qui semble passionné des romans de l’écrivain et des idées qu’il distille dedans (des meurtriers fous qui se débarrassent du mal d’une société en supprimant ses éléments nocifs, prostitués et dévergondées en particulier: on va d’ailleurs reprocher sa misogynie au romancier, misogynie qui peut s’étendre au cinéaste qui fait massacrer la journaliste lesbienne et féministe qui accuse le romancier de sexisme), Dario Argento brouille les pistes. Lorsqu’on saura qu’il est le possible meurtrier au rasoir, et alors que la preuve est enfin faite que c’est lui (il l’avouera même), voilà que notre journaliste coupable est purement et simplement achevé d’un bon coup de hache en plein milieu du crane sous les yeux traumatisés du jeune assistant du romancier. Fini le rasoir raffiné et sophistiqué, voici maintenant des coups de haches secs et lourds. On ne fait plus dans la dentelle (clavicules broyées, bras coupé) et les victimes doivent finir en steak haché, mais Argento ne nous les montre pas trop (pas besoin, les généreuses giclures de sang sur les murs blancs et les visages, le montage et les cris d’horreur suffisent).

Il y a aussi un truc important et essentiel à noter: les filles dans ce film ne portent PAS de soutiens-gorge, et c’est peut être là la raison de tous ces meurtres (allez savoir). Chemisiers un peu transparent, tee-shirts moulants, tissus mouillés ou simples serviettes, mais pas de sous-vêtements en haut, ça devait être gênant (sauf pour la plus sage d’entre elles, et l’unique survivante, l’assistante incarnée par Daria Nicolodi, la compagne du cinéaste et scénariste de quelques uns de ses films). Tout cela vient bien sûr renforcer la dimension d’esthète du cinéaste.

Pour terminer, ce film est une véritable mise en abyme de la vie et de l’expérience du metteur en scène, qui revient avec ce film aux racines du genre source de son oeuvre, le giallo. Son statut d’artiste dramaturge de l’horreur (tout comme l’écrivain Peter Neale), son assistante avec qui il entretient une relation étroite et amoureuse, les menaces qu’il a reçu de la part d’un fan (incarnées par ce tueur/journaliste qui est fasciné par les romans de Neale), la misogynie apparente de leur oeuvre et le traitement des femmes dedans, tout dans ce film renvoie à sa propre expérience de vie, et fait étrangement écho à tout ce qu’il est.

Je vous raconterai pas la fin, mais elle est assez gratinée et surprenante (sauf le long cri d’horreur féminin, indispensable à ce genre de film).

http://www.imdb.com/title/tt0084777/
http://en.wikipedia.org/wiki/Tenebrae_(film)
http://fr.wikipedia.org/wiki/T%C3%A9n%C3%A8bres_(film)
http://www.horreur-web.com/tenebre.html
http://www.feoamante.com/Movies/STU/tenebre.html
http://www.critikat.com/Tenebres-edition-DVD.html
http://www.foxylounge.com/Dario-Argento-Tenebrae-Tenebres
http://findepartie.hautetfort.com/archive/2010/10/17/tenebres-de-dario-argento.html
http://cinexploitation.forumactif.net/t463-tenebres-dario-argento
http://interlignage.fr/2011/01/tenebres-de-dario-argento-%E2%80%93-pervertita/
http://cinecritiques.free.fr/cc/index.php?option=com_content&task=view&id=1408&Itemid=27
http://www.hdnumerique.com/dossiers/413_test-blu-ray-tenebres-1.html

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Suspiria (Italie/1977/95’/DVD/2:35/Couleur/Stéréo/italien/VOstFr/La Seda Spettacoli S.P.A/int. -16 ans).

Là tout de suite, par rapport à ce que j’attendais de l’œuvre d’Argento, on est carrément plus dedans qu’avec Ténèbres, plus lisse, plus froid, plus moderne.
Place aux couleurs chatoyantes, à des décors baroques, à une lumière surréaliste, à une peur plus viscérale, pour un genre fantastico-horrifique et ésotérique, un film de sorcière psychédélique.
Voici un des films les plus célèbres de son auteur, et qui a fait sa réputation de maître du fantastique à travers le monde de par son horreur cérébrale et sensuelle (visuelle et sonore) savamment distillée à chaque séquence du film, par une technique irréprochable.

Et ce, dès la première scène dans l’aéroport, on l’on devance la frêle héroïne en travelling arrière, et où la tension est déjà totalement palpable tout en restant intangible et mentale (une femme qu’on suit du regard et qui disparaît soudain du champ, une porte automatique vitrée qui s’ouvre violemment laissant entrer une brutale rafale de vent qui soulève vêtements et cheveux comme un avertissement, la pluie qui bat le béton luisant du sol, un taxi qui comprend rien et à qui l’on doit répéter l’adresse, des phares et flares de lumières qui balafrent l’écran, et surtout une musique oppressante et grinçante (et parfaitement calée sur les images) qui transperce les oreilles et fait bondir le coeur, malgré le petit sourire provoqué par ces grosses ficelles de mise en scène).

C’est vraiment efficace (et c’est marrant de voir l’effet que cela provoque), une ambiance unique est installée immédiatement, et c’est un véritable bonheur pour les yeux et les oreilles (j’entends par là qu’on en prend les sens). Voilà donc un grand film de Dario Argento.

Résumé:
Par une nuit d’orage, une jeune étudiante américaine, Suzy Banner (Jessica Harper), atterrit à Fribourg pour intégrer une école de danse très réputée.
Sous une pluie battante, elle arrête un taxi qui la conduit jusqu’à l’école. À peine arrivée, elle a juste le temps de voir une jeune fille s’enfuir du bâtiment, affolée et criant des mots inintelligibles à l’interphone.
Suzy, que la personne à l’interphone refuse de laisser entrer, passe la nuit dehors.
Le lendemain, la jeune femme intègre l’école. Deux étudiantes ont été sauvagement assassinées la nuit de son arrivée. Rapidement, elle soupçonne l’académie d’être dirigée par Helena Markos, une sorcière vieille de plusieurs centaines d’années, et d’être en réalité un lieu occulte de magie noire.

Alors j’avoue avoir pensé direct au Couvent de la Bête Sacrée de Norifumi Suzuki (dans cet article), avec ses décors baroques de château ou de couvent, aux angles saillants, hauteur oppressante, couloirs vides et couleurs qui attaquent la rétine. Le parti-pris dans la direction artistique et la décoration est vraiment impressionnant et sert parfaitement le récit et la tension dramatique et onirique (cauchemardesque), dès l’arrivée de Jessica devant la façade rouge sang du bâtiment, et en particulier la première scène du double meurtre qui se clôt de manière hallucinante par une chute à travers un vitrail bariolé (grand moment de cinéma tous genres confondus). Couloirs vides angoissants, portes innombrables renfermant de sombres secrets, cage d’escaliers immense, et crypte cachée, ce manoir étrange abrite de biens mystérieux individus: des petites danseuses pleine de minauderies qui finiront victimes, des matrones désagréables et sèches qui font l’éducation comme au couvent, une sorte de majordome trop moche genre un mélange entre Igor et Jaws dans James Bond, et surtout de fourbes sorcières, dont la patronne, la plus puissante d’entre elles, est maintenant une vieille momie défraîchie (c’est vrai qu’on raconte pendant le film son histoire qui a bien plusieurs siècles).

Notre fragile héroïne va visiter en tremblant ce décor oppressant qui semble l’enfermer malgré elle (elle ne voulait pas y dormir au début et rester chez une camarade, mais on fera bien vite en sorte après un malaise pendant un stressant cours de danse, de la ramener elle et ses affaires dans l’internat). Ses amies disparaissent peu à peu (surtout les plus curieuses, celles qui fouinent les tabous de l’école), et comme elle est coincée dans cette prison dorée, autant l’explorer à fond et en découvrir tous les recoins (bonne idée ça. Déjà qu’on n’a pas idée d’entrer dans un pareil endroit, il faut qu’en plus, on s’y enfonce jusqu’aux profondeurs). Une exploration hallucinée dans un endroit vraiment étrange (je repense notamment à cette séquence dans le dortoir, où les draps blancs en guise de cloison deviennent soudain rouge quand toutes s’endorment, alors qu’on entend les ronflements ou sifflements étranges d’une des matrones). La référence à Alice aux Pays des Merveilles est évidente, mais revisitée sous la vision tripée et bien flippante d’Argento qui nous emmène ainsi que son héroïne dans son univers manièré et esthétiquement parfait qui amplifie cette terreur mystique et cinématographique.
Je n’en dis pas plus sur ce film, car je compte le montrer lors d’une PCJ, car culte et incontournable.

On notera juste que Les Goblin signent la musique des deux films, et il faut dire que ces sythétiseurs grinçants ajoutent de la tension et soulignent les images d’Argento, et puis soulignons au passage que les mains des tueurs des deux films sont celles du réalisateur.

http://www.imdb.com/title/tt0076786/
http://fr.wikipedia.org/wiki/Suspiria
http://en.wikipedia.org/wiki/Suspiria
http://www.objectif-cinema.com/analyses/066.php
http://www.allmovie.com/work/48031
http://www.dvdclassik.com/Critiques/suspiria-dario-argento-wild-side-dvd.htm
http://www.culturopoing.com/Cinema/Dario+Argento+Suspiria+-299
http://critico-blog.viabloga.com/news/suspiria-dario-argento
http://oketof.blogspot.com/2010/04/suspiria-1977-dario-argento.html
http://sonofcelluloid.blogspot.com/2010/11/suspiria-1977.html
http://critiquescinema.canalblog.com/archives/2007/03/29/4465701.html
http://www.kinoeye.org/02/11/schultesasse11.php
http://www.suite101.fr/content/suspiria-de-dario-argento–suspense-et-esthetisme-horrifique-a19155

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Film Bonus:
Massacre à la Tronçonneuse (Texas Chain Saw Massacre) de Tobe Hooper (USA/1974/84’/DVD/1:75/Couleur//anglais/VOstFr//int. -16 ans).

Rien à voir avec une quelconque thématique en rapport avec Argento, c’était juste parce que mon dvd ne marche pas chez moi, et que Matthilde a aussi ce film dans sa collec’ et ça faisait longtemps qu’elle ne l’avait pas vu non plus (et puis c’est pas plus mal de voir ce film culte avant de présenter Le Crocodile de la Mort du même réalisateur à la 36e PCJ). L’occasion de se faire encore un peu flipper, si on n’en avait pas eu assez avec Suspiria (dans lequel l’horreur est distillée tout autrement).
Mais autant c’est raffiné chez Argento, autant c’est méga barbare chez Tobe Hooper.
J’avais seulement vu le début qui m’avait déjà bien mis mal à l’aise avant que mon DVD ne plante, et je ne vais pas être déçu avec le reste du film, qui cela dit en passant, pue vraiment l’abattoir malsain. Sacré Leather Face.

Une introduction pré-générique super bidon, mais super efficace (un plan à l’image jaunie et cramée sur une mise en scène macabre de morceaux de squelettes humains sur une tombe et sa croix, sur un fond sonore d’une voix-off qui parle des terribles nouvelles de la veille, encore des sépultures mises à sac, acte barbare qui ne semble pas être le premier dans la région. Sympa comme tout), puis les cartons titres du générique sur fond d’images bien dégueulasses (flashs de détails en gros plan de cadavres en décomposition avancée avec les vers dedans). Ça sent mauvais direct, et cette odeur de viande frelatée va persister jusqu’à la fin.

Résumé:
En 1973 au Texas, cinq jeunes prennent un inquiétant auto-stoppeur dans leur mini bus.
Effrayés par son étrange comportement, ils l’expulsent puis contiuent leur route, avant de tomber en panne non loin d’une maison qui semble abandonnée. L’horreur va survenir au vrombissement d’un moteur de tronçonneuse.

Après cette introduction saisissante, on rentre immédiatement dans le vif du sujet. Un groupe de jeunes (2 filles, 3 garçons) viennent visiter la tombe d’un parent de l’un d’entre eux, et se retrouvent en ballade dans une région paumée des states où il fait bon vivre pour les rednecks qui la peuple (où il fait chaud et où la viande faisande rapidement). Pas grand chose à voir dans le coin, à part un grand cimetière (scène vite expédiée, mais qui met déjà très mal à l’aise, avec ce vieux bourré qui divague dans son pneu de tracteur et les quelques tronches peu avenantes qui l’entourent), et surtout un abattoir réputé semble-t’il, véritable usine de mort (son apparition est signalée par la forte mauvaise odeur que les protagonistes reçoivent). Et pendant que ça pue littéralement la mort et que le gros frère handicapé de l’héroïne raconte la manière horrible dont les vaches sont abattues dans ce lieu morbide et glauque, ils aperçoivent un autostoppeur très bizarre le long de la route (quelle idée aussi de s’arrêter pour le prendre… Ya que dans les films que ça arrivent ce genre de conneries. Qui prendrait en stop ce personnage tordu habillé comme un sauvage?). Et c’est à partir de là que tout bascule. La scène de dialogue est assez surréaliste, et vient amplifier notre début d’angoisse. Ça discute d’abattoir et de techniques pour tuer les bêtes, puis le jeune redneck dégénéré commence à partir en couille, s’intéresse au canif du frère de l’héroïne, lui pique et se taillade la main avec en riant bizarrement sous les yeux horrifiés de nos jeunes citadins. Ensuite, il sort un vieil appareil photo pour prendre le gros en polaroïd (sans doute la cible la plus alléchante), puis l’entailler pour faire couler un peu de son sang sur le polaroïd qui s’imprime, plus le brûle avec de la poudre à canon, avant de s’enfuir ou de se faire virer du van par les jeunes. Etrange rituel qui semble avoir un sens macabre, d’ailleurs le gros frère s’inquiète de la trace de sang que le dégénéré a laissé sur la camionnette en la suivant en course, « C’est pour te retrouver » dit en rigolant le copain de sa soeur: Triste prophétie qui s’accomplira plus rapidement que prévu et surtout à rebours. Ce n’est pas les chasseurs qui vont commencer par les traquer, c’est eux-mêmes qui se jetteront dans la gueule du loup.

Mais ça ne fait que commencer, et vous inquiétez pas, ça va bientôt péter. Après une courte halte dans une station-service dans laquelle il n’y a pas d’essence, le réservoir vide, ils sont obligés de passer la nuit dans le coin, dans la vieille baraque familiale de la jeune héroïne et de son frère handicapé.
Et comme toujours dans les slashers, c’est le sexe qui sera le déclencheur, puisqu’un couple s’en va faire un tour pour être plus tranquille, et vont plus loin que prévu. Un bruit assourdissant de générateur bricolé attire leur attention et les voilà devant un autre maison qui semble calme (trop).
Peut être ont-ils de l’essence après tout, pourquoi pas entrer?
La curiosité malsaine sera très vite comblée, car en entrant doucement « Il y a quelqu’un? », la déco intérieure rebutante donne très vite envie de gerber (crânes et ossements parfois humains, peaux animales, trophées de chasse primaires, etc), juste le temps d’un haut le coeur avant que le mythique et cultissime Leatherface fasse son apparition, très marquante, à la fois théâtrale et extrêmement rapide et efficace, sans fioritures. Masque en peau de visage humain qui cache de petits yeux vifs et sauvages, démarche gauche et branquebalante, un peu pataude, grognements sourds comme seul moyen d’expression et de communication, une belle salopette de farmer ricain, et surtout une panoplie d’armes subtiles et raffinées (masse ou hache, crochets de boucher, et la fameuse tronçonneuse et son doux bruit), une sorte de quasi invincibilité qui l’entoure comme une aura, voici un des grands personnages de méchant barjo du panthéon du 7e Art (et tout de suite en voyant « évoluer » Leatherface, je comprend mieux l’influence première du « héros » de Devil Story, veste SS et fusil à pompe en plus).

Plein de charisme et d’élégance, il apparaît soudainement (comme un ours ou un sanglier), et dès la première seconde où il est dans le film, c’est pour marave quelqu’un (sa seule fonction, et c’est vrai qu’on ne l’imagine pas faire autre chose). En quelques mouvements, il a déjà éclaté le couple innocent (faut dire aussi qu’ils n’avaient rien à faire là, et puis quand t’as rien à faire dans un endroit, bah tu restes pas planté à appeler tout fort quelqu’un qui va forcément venir), et hop, le gars sur la planche à découpe et la fille au congélateur pour mieux la conserver (surtout qu’en plus elle est encore vivante, comme le montre la séquence où le copain de l’héroïne et dernier garçon valide découvre la cave de Leatherface, son pote en morceaux, et sa copine endormie et congelée qui bondit soudain en hurlant. Elle est pas morte!! Mais le choc est très bref, puisque notre ami au doux visage arrive par derrière pour lui faire sa fête et referme immédiatement le congélateur. Scène vraiment horrible).

Le gore est bref, sec, brutal, traumatique, mais pas démesurément montré à l’écran, Tobe Hooper ne s’attarde par non plus sur des viscères qui débordent et des litres de sang qui giclent (on sent aussi qu’il n’a pas les moyens, et il trouve assez bien d’autres feintes pour mettre le spectateur très mal à l’aise). C’est sec comme un coup de marteau qui défonce un crâne, et puis toute l’ambiance dégueulasse autour qui amène cette horreur finalement cérébrale. Bon, la douleur physique est quand même bien montrée, mais on ne peut pas dire que les effets gores soient particulièrement appuyés, ce qui n’est pas non plus un mal pour le film.

Pendant ce temps, les frère et soeur attendent sagement auprès du van le retour des copains, mais commencent à s’inquiéter, et à se demander s’il ne ferait pas mieux d’aller voir (ou non d’ailleurs, ça vaut mieux). Notre héroïne décide d’y aller, suivie de son frère en chaise roulante, avec qui elle vient de s’embrouiller pour la lampe. Au bout de quelques appels dans une forêt nocturne, notre cher Leatherface arrive comme prévu, surgit soudain et transforme le malheureux handicapé en bouillie en le tronçonnant joyeusement. Et à partir de là, elle deviendra hystérique à hurler comme une damnée. Après une course en forêt, puis un détour chez le pompiste aussi ravagé et anthropophage que les autres (c’est donc pour ça qu’il n’avait plus d’essence, il fait partie de la famille), la pauvre fille se retrouvera à table avec toute la fratrie masculine, composée de Leatherface et son petit frère le taré du début dans le van, du mec de la pompe à essence et du grand-père, une vieille momie qu’on croit morte, mais qui bouge encore et suce le sang de la pauvre fille (cette séquence est complètement malade, et ne sert à rien d’autre que de foutre la pression pour rien), pour une sorte de dîner horrible et si particulier (les copains de tout à l’heure?). De quoi effectivement devenir complètement hystérique.
Elle finira par s’enfuir par je ne sais quel moyen pour une ultime poursuite traumatique en forêt (bande son composée de hurlements féminins et d’un lancinant bruit de tronçonneuse), puis enfin trouvera une route (la civilisation!). Le tronçonneur fou la poursuivra jusque là, massacrant les quelques automobiles assez bêtes pour s’arrêter.
Final non résolu et angoissant, car on termine sur l’image de Leatherface en contre-jour, brandissant sa tronçonneuse bruyante en hurlant de rage d’avoir loupé cette petite blonde, qui a réussi à attraper au vol un pick-up dans lequel elle flippe encore de se faire rattraper. Personne ne l’aura arrêté dans le film, il ne meurt pas à la fin (il y aura même des suites), et cette joyeuse bande de lurons pourront continuer leurs festins gores et cannibales tranquillement. Enfin bon, il y a un peu d’espoir avec cette rescapée qui a survécut. Un final bien hystérique et barjo pour un film qui met à la fois mal à l’aise et fait bien rire quand même (pour exorciser tout ça).

J’irai jamais manger un burger dans la région, vu la tronche et les délires des gens qui bossent à l’abattoir du coin. Un film malsain et une expérience visuelle et sonore bien désagréable, mais réellement incontournable.

http://www.texaschainsawmassacre.net/
http://www.imdb.com/title/tt0072271/
http://www.allmovie.com/work/49206
http://archive.filmdeculte.com/culte/culte.php?id=113
http://en.wikipedia.org/wiki/The_Texas_Chain_Saw_Massacre
http://fr.wikipedia.org/wiki/Massacre_%C3%A0_la_tron%C3%A7onneuse_(film,_1974)
http://www.horreur.net/film-40-Massacre-a-la-tronconneuse-1974.html
http://www.metacritic.com/movie/the-texas-chain-saw-massacre
http://www.horreur.com/critique-58-massacre-a-la-tronconneuse.html
http://www.notrecinema.com/communaute/v1_detail_film.php3?lefilm=8059

De l’horreur au cinéma, pour une bonne session cinéphile chez Matthilde, en plusieurs parties, avec des oeuvres qui manquaient à ma culture filmique. Un peu flippant et stress, mais que du bonheur.

Eddie, le 2 mars 2011.

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