Bloody Shake (Beulreodi Seikeu 블러디 쉐이크) de Kim Jee Yong (Corée du Sud/2009/120’’/Couleur/RED/HD/1:85/Dolby SRD/Coréen/VOstA/P.A.M. Korea Media Ltd.)

[Comme Hong Kong était à l’honneur lors du récent Festival Paris Cinéma (compte-rendu à suivre), c’est l’occasion de publier enfin les chroniques des films vus à Hong Kong pendant le 34e HKIFF il y a plus de 2 ans (j’en parle ici). Voici la première d’une série de critiques retrouvées dans les méandres de mes disques durs]

Etant inscrit sur les listes du Marché du Film hongkongais (Filmart) en tant que visiteur, quelques semaines avant de partir à Hong Kong, je reçois plusieurs demandes de rendez-vous et de rencontres, avec des distributeurs, producteurs et même réalisateurs de films du monde entier. L’une d’elles attire mon attention, la demande de Mr Kim Jee Yong, le CEO d’une petite boite de production coréenne, PAM Korea Media, qui souhaiterait me rencontrer pour me présenter le film qu’ils venaient vendre au Filmart. J’en déduis que c’est une petite société, en me renseignant un peu et en constatant que Mr Kim Jee Yong est aussi réalisateur du film dont il veut me parler (ainsi que scénariste et producteur), Bloody Shake. C’est donc lui-même qui venait vendre son propre film au Filmart, à la manière d’un artisan parmi toutes ses grosses machines de distribution qui pèsent des millions sur le marché du cinéma.
Après une brève discussion pendant laquelle il présente son film, parle du tournage et de l’ambiance, du travail avec son chef-opérateur, Lim Woon-young, et avec le système RED, un outil vraiment pratique qui s’est adapté au faible budget de production, le cinéaste me donne un screener de son film, et surtout m’invite à aller voir Bloody Shake, dont une projection test en prévue en fin de matinée. Juste le temps de prendre quelques photos de stands et d’affiches de films, et c’est parti pour presque 2h de drame psychologique et fantastique à la coréenne, dans une petite salle de projection hélas très peu fréquentée (ce sera de plus une projection en vidéo –HD oblige- sur un écran qui aurait pu être plus grand).

Résumé :
Les destins croisés de sept personnages variés (une fleuriste aveugle et son oncle simplet, une bouchère amoureuse d’une jolie call-girl, un monsieur végétarien et en costume qui cache des pulsions violentes, un prêtre, un jeune salary-man stressé) vont bousculer leur quotidien jusqu’à l’horreur. A moins que ce n’était qu’un mauvais rêve ?

Bloody Shake est un film qui ne laisse pas indifférent sous plusieurs aspects. Tout d’abord par l’horreur qui y est détaillée, crûment montrée et souvent de manière inattendue (un mouvement de caméra qui élargit le champ), très réaliste malgré son caractère inopiné et soudain (un corps accroché à un crochet de boucher, la tête d’une amie découpée, le viol d’une aveugle-qui est plus suggéré que montré). Cette horreur a d’autant plus d’impact qu’elle se déroule dans un cadre réaliste et apparemment sain et normal (un quotidien en apparence banal et tranquille qui bascule soudain et sans prévenir dans l’atrocité et le cauchemar, tout en gardant ce masque propret et aseptisé).
Ensuite, la dimension fantastique qui s’introduit dès le début du film et la première (ou seconde) scène, avec ces tentacules qui agrippent, étreignent, étouffent un de nos 7 héros dans le métro pour finir par lui donner un flingue (scène totalement surréaliste, qui traduit parfaitement le malaise de ce personnage, et l’issue que lui proposent ces tentacules baveux et fantasmés), comme une invitation au suicide pour tout régler.

On ne reverra plus ces tentacules (toute la séquence du métro est particulièrement bien réalisée, que ce soit au niveau du décor, de la lumière et surtout des effets numériques de Lim Sung Bin, qui rendent ces excroissances digitales tellement réelles qu’elles en sont presque palpables), et on n’aura des nouvelles de ce personnage de salary-man stressé qu’à la fin (sur une plage face à un homme qui lui braque une arme au front). Au fil du récit (totalement éclaté), le réalisateur nous présente toute une gamme de personnages, qui au premier abord n’ont apparemment aucun lien entre eux.

Pour finir, on s’attache aux personnages, tous différents, mais chacun unique et bien caractérisé. Ils sont présentés de manière morcelée (comme un puzzle où chaque séquence nous en apporte plus sous un autre point de vue), leurs relations ou conflits, les sentiments entre eux. On regrettera juste leurs apparitions et leurs temps de passage inégaux, et certains personnages auraient mérités d’être plus approfondis. La narration lie les personnages entre eux dans cet univers sombre et tragique. Ils sont donc étroitement interconnectés, et nous aussi nous retrouvons liés petit à petit à eux. La caméra les filme souvent de près, en silence, dans les moments du quotidien (repas, toilettes, gestes journaliers du travail, etc), comme pour entrer dans leur intimité. La proximité avec l’intime est tellement étroite qu’à certains moments, on se demande si ce que l’on voit à l’écran est réel, et n’est pas sorti de leur imagination ou leurs fantasmes. Projection mentale ou réalité fantastique? Cette question reste posée, et la réponse d’autant plus floue, car la fin brouille les pistes en nous présentant des personnages comme différents ou carrément autres (proposition de vies parallèles ou alternatives), ce qui fait qu’au final, cette histoire est présentée comme un (mauvais) rêve trop réel. On ressort en tout cas de la salle comme d’un rêve ou plutôt un cauchemar en l’occurrence, car le rêve que met en images le cinéaste est loin d’être doux et agréable, malgré certains moments très calmes et presque oniriques.
Un film qui nous secoue le sang (Bloody Shake ?).

http://www.bloody-shake.com/
http://bloodyshake.tistory.com/ (le blog du film)
http://www.imdb.com/title/tt1457599/
http://www.asiateca.net/?p=2129
http://www.koreanfilm.or.kr/KOFIC/Channel
http://asianmediawiki.com/Bloody_Shake
http://www.hancinema.net/korean_movie_Bloody_Shake.php
http://www.sarangni.info/mov/1457599/bloody-shake.html
http://insecte-nuisible.com/blog/illusion-du-cinema-coreen-enrage/
http://www.hkfilmart.com/filmart/screening_details.asp?id=400
http://www.screendaily.com/pam-korea-media-enters-sales-with-thriller-bloody-shake/4043748.article

Plus de chroniques à suivre, et à retrouver sur cette page.